Nous sommes la nature qui se révolte

20 000 personnes ont parcouru le Val Susa pour réaffirmer leur opposition à la construction du TGV Lyon Turin le 12 juin 2021. Communiqué du mouvement No Tav.

C’est une grande marche populaire qui a eu lieu cet après-midi de Bussoleno à San Didero, où environ 20 000 d’entre nous ont défilé, forts et sûrs de nos raisons importantes et profondes. Mouvement, maires et techniciens No Tav réunis une fois de plus pour parcourir les routes du Valsusa. « Dai nonu ai cit » disait la banderole derrière laquelle de nombreux enfants, ainsi que des personnes âgées, attendaient le départ pour démontrer une fois de plus que chaque jour le mouvement No Tav devient plus grand et plus fort.

« Nous sommes la nature qui se révolte », tel était le titre de la banderole d’ouverture derrière laquelle des milliers de jeunes ont entonné des chants imaginant le futur que nous désirons toutes et tous, un futur libéré de la dévastation environnementale, des injustices sociales et où chacun·e peut donner et recevoir selon ses possibilités.

Dans un moment historique comme celui que nous vivons, en pleine urgence sanitaire, avec un système de santé qui s’est effondré sous nos yeux, ils voudraient utiliser d’importants fonds européens destinés aux chemins de fer pour construire une nouvelle plateforme logistique à San Didero, c’est-à-dire pour financer davantage le transport routier. Allant à l’encontre de toute politique de protection de l’environnement et de la santé de celles et ceux qui vivent sur ces territoires. La construction de ce nouveau monstre de béton prévoit la destruction de l’unique poumon vert de toute la moyenne Valsusa.

La « vallée qui résiste » a démontré une fois de plus que la lutte est la seule possibilité que nous ayons pour stopper ce système politique et économique mondial, qui voudrait que nous soyons toutes et tous silencieux et misérables face à la destruction de notre système de santé, du monde de l’éducation et du travail.

Dana [1] était aussi avec nous à travers une lettre qu’elle nous a envoyée et que nous avons lue à haute voix, en se souvenant de toutes et tous les No Tav encore entravé·es parce qu’ils et elles ont lutté avec leur corps avec une grande générosité pour défendre l’avenir de toutes et tous. Nous leur avons envoyé nos voeux les plus chers pour qu’un vent de liberté puisse se lèver sur les visages de Fabiola [2] qui est toujours en prison, de Dana assignée à résidence, de Stella qui est toujours sous le coup d’une interdiction de communiquer, de Mattia [3] qui est également assigné à résidence, et encore de Francesca, de Mattia et de toutes celles et ceux qui voient leur liberté injustement restreinte. Nous savons que, de tout cœur, ils et elles étaient avec nous aujourd’hui.

Nous avons ensuite écouté la voix d’Eddi au micro du tracteur de tête qui nous a raconté comment l’acharnement judiciaire du Tribunal de Turin l’a soumise à la Surveillance Spéciale, une mesure qui remonte au fascisme, simplement parce que depuis l’université elle a participé aux luttes étudiantes et contre toutes les formes de fascisme au sein de l’école ; parce qu’au Rojava elle a rejoint les Ypj (Unités de Protection des Femmes), et parce qu’elle est No Tav. C’est ainsi que l’État, à travers la Préfecture, le Parquet et les tribunaux, menace durement le droit à la dissension.

Une fois de plus, le Mouvement No Tav a su répondre par une forte participation, principalement Valsusaine, précisément parce que face à leur violence nous continuerons à répondre par la résistance populaire, certains d’être du côté de la raison.

De nombreuses délégations des territoires en lutte, venues de toute l’Italie, ont apporté leur solidarité, avec la promesse de continuer à marcher ensemble contre ceux qui profitent de nos vies. Ainsi, de Venise, Naples, Palerme, Catane, Milan, Bologne, Livourne, Rome et bien d’autres lieux encore, elles sont arrivées pour participer à la marche du mouvement qu’elles estiment être le leur, car la lutte contre les grands projets est un combat qui parle à tout le pays. En effet, le 13 juin au Presidio de Venaus, a lieu l’Assemblée Nationale des Territoires en Lutte, où nous discuterons ensemble de comment continuer à être unis après une année et demie difficile où nous avons été obligés d’affronter la pandémie et les restrictions imposées et regroupés au nom de la protection de la santé.

Le chemin est encore long et aujourd’hui l’urgence est d’autant plus grande que le temps qui nous reste pour inverser le cours des choses et éviter une catastrophe climatique est de plus en plus court, comme l’ont bien rappelé les jeunes des Vendredis pour l’Avenir, en mettant l’accent sur la nécessité de construire de véritables politiques de protection de l’environnement et pas seulement des coups de pinceaux verts qui continuent à faire des clins d’œil aux lobbies habituels dont le seul but est de récolter de l’argent en bétonnant les territoires.

« Nous étions là, nous sommes là et nous serons là » est la promesse que nous faisons au nouveau gouvernement de Draghi et à Telt [4] car, s’ils veulent continuer sur cette voie, ils devront continuer à se heurter à toute une population qui a su faire entendre sa voix dans toute l’Italie, en construisant un fleuve de luttes qui regardent toutes dans la même direction et exigent un avenir libre et habitable pour les jeunes générations et celles à venir. Aujourd’hui encore, le camp adverse a mis en place un important déploiement de policiers barricadés à l’intérieur d’une forteresse faite de jersy [5], de filets de fer et de barbelés israéliens. Nous avions dit que ce serait une manifestation colorée et sonore et au rythme de la fanfare No Tav s’est ajoutée spontanément une battitura [6] le long de toutes les clôtures pendant que quelques mètres de barbelé ont été arrachés, démontrant que notre désir de mettre fin à ce projet mortifère pulse avec force dans nos veines.

En 30 ans de lutte, nous avons vu passer bien des gouvernements, pendant que de notre côté nous sommes toujours là et que nous le serons tant qu’il le faudra, jusqu’à ce que la « victoire » soit la fin de cette histoire.

Retrouver l’article initial sur notav.info

Notes :

[1Habitante No Tav de Bussoleno arrêtée le 17 septembre 2020 pour avoir parlé au mégaphone pendant une action de péage gratuit en 2012. Elle est condamné pour cela à deux ans de prison ferme.

[2Arrêtée le 31 décembre 2020 pour les mêmes raisons que Dana.

[3Incarcéré depuis décembre 2013 pour « acte de terrorisme à l’aide d’engins pouvant entraîner la mort ou explosifs, dégradations par voie d’incendie, violence contre agents de police, détention et transport d’armes de guerre » après un attaque nocturne du chantier du Tav.

[4Société franco-italienne en charge de la construction du TAV.

[5Blocs de ciment avec des filets grillagés hauts de 3 mètres

[6Battement collectif sur les grilles ou les clotûres.

PS :

Traduction reprise de dijoncter.info

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