1) Pratiques à la frontière : retour à la hausse des refoulements de personnes exilées
Éléments de contexte
Depuis le mois de février 2024 nous avons assisté à une évolution des pratiques policières à la frontière et une très nette diminution du nombre de personnes refoulées vers l’Italie.
Ce changement significatif fait suite à une décision majeure, rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 21 septembre 2023, puis reprise dans un arrêt du Conseil d’État le 2 février 2024. Si ces arrêts n’ont pas permis de remettre en question le constant renouvellement du rétablissement du contrôle aux frontières intérieures par les gouvernements français successifs depuis 2015 en totale violation des normes européennes, ils viennent néanmoins confirmer l’illégalité des pratiques appliquées aux frontières intérieures françaises par les forces de l’ordre et dénoncées par les associations depuis de nombreuses années.
Depuis février, la majorité des personnes exilées qui souhaitaient se rendre en France depuis l’Italie et qui se présentaient au poste de la Police aux Frontières de Montgenèvre en exprimant leur souhait de demander l’asile en France étaient admises sur le territoire français.
Cette évolution n’a néanmoins rien changé concernant les pratiques de contrôles ciblés et discriminatoires, ni n’a permis de mettre un terme définitif aux refoulements vers l’Italie.
En outre, sur cette même période, de graves dysfonctionnements dans l’accès aux droits ont continué d’être observés, notamment l’accès à l’asile, à la santé, à des interprètes, etc.
Situation actuelle
Ce relatif répit n’aura malheureusement été que de courte durée. Nous le redoutions, et c’est sans réelle surprise que nous observons depuis début novembre un retour à la hausse des réadmissions (refoulements) de personnes exilées, a priori désireuses de demander l’asile en France, en totale contradiction avec les décisions de la CJUE et du Conseil d’État. D’abord légère, cette augmentation des décisions de réadmission n’a cessé de croître, jusqu’à redevenir aujourd’hui majoritaire par rapport au nombre de personnes admises. Tout porte à croire que les pratiques des forces de l’ordre ont pris un nouveau tournant pour se rapprocher des pratiques répressives en vigueur mises en œuvre par la PAF sur les autres lieux de passages de la frontière franco-italienne (Menton, tunnel du Fréjus…).
Si la police aux frontières peut ainsi décider de réadmettre en Italie autant de personnes depuis plusieurs semaines, c’est parce qu’elle a tout simplement décidé d’ignorer leur droit d’accès à la demande d’asile (soit en ne leur proposant pas d’interprète, rendant impossible pour certaines personnes d’exprimer leur souhait de demander l’asile, soit en ignorant tout simplement leur demande, selon les témoignages recueillis auprès des personnes refoulées). Un droit bafoué, pourtant reconnu droit fondamental en France, appliqué de façon apparemment aléatoire : à situations égales, les pratiques sont différentes.
2) La répression de la solidarité continue à Briançon et aux autres frontières
À Briançon, la répression de la solidarité n’a jamais cessé, même après la fin de l’emblématique procès des 3+4+… en 2021. Au contraire, le briançonnais est marqué par de graves anomalies, en témoigne la très récente condamnation à de la prison avec sursis par le tribunal administratif de Gap, puis par la Cour d’appel de Grenoble, d’une personne du collectif maraude interpellée en 2023 à Montgenèvre, puis placée en garde à vue pour avoir refusé de décliner son identité. Les pratiques d’intimidation des forces de l’ordre, à coup d’amende en période de confinement et de couvre-feu (Covid-19), attestent aussi de la volonté politique d’entraver l’action des solidaires.
C’est par ailleurs pour répondre à l’absence de lieux de réunion des acteurs solidaires à Briançon qu’a été ouvert, le 9 octobre 2024, le squat du Bou’Li (pour Boulodrome libre), dans l’ancien bar de l’amicale des boulistes inoccupé. Ce lieu a permis à nos associations et collectifs de disposer enfin d’un espace où se rassembler, mais aussi de loger des personnes exilées en période de forte affluence aux Refuges Solidaires, venant ainsi pallier le manque d’accès à l’hébergement d’urgence via le 115 (Samu social). L’initiative a été soutenue par les associations briançonnaises œuvrant pour l’accueil et la défense des droits des personnes exilées. C’est après une tentative échouée d’un référé liberté contre l’occupation du boulodrome vacant porté par la Mairie que cette dernière a finalement obtenu gain de cause devant le tribunal judiciaire de Gap, qui a jugé le squat expulsable. C’est ainsi que les personnes qui logeaient au Bou’Li ont été violemment expulsées le 14 novembre 2024 par les forces de l’ordre. Parmi elles, quatre personnes ont été placées en garde à vue.