La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 26 avril 2022 vient confirmer l’illégalité des contrôles que nous dénonçons depuis 2016 à la frontière franco-italienne dans le Briançonnais (lire l’alerte presse inter-associative du 29 avril 2022 dont Tous Migrants est signataire en cliquant ici).
Ces contrôles illégaux s’accompagnent d’une série de violations des droits des personnes exilées, induites par des pratiques policières de refoulements systématiques en Italie. La documentation de ces pratiques, par l’observation et le recueil de témoignages, nous permet de les dénoncer, en saisissant notamment les autorités administratives indépendantes. Cette récolte de données entreprise pour l’année 2021 a donné lieu en avril 2022 à deux saisines rédigées avec Médecins du Monde et l’Anafé. Des signalements ont également été transmis au Procureur de la République de Gap.
Une première saisine, concernant le non-respect des droits des personnes exilées interpellées à la frontière franco-italienne dans les Hautes-Alpes, a été adressée à la Défenseure des Droits, pôle respect des droits fondamentaux ainsi qu’au HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), au CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté) ainsi qu’à la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme).
Plus de trente témoignages recueillis auprès de personnes exilées documentent :
- Des pratiques de contrôles discriminatoires à la frontière
- Des procédures de refoulement expéditives au mépris des droits des personnes exilées :
- L’absence d’examen individuel de la situation
- L’absence d’interprète et d’information sur les droits
- L’impossibilité de former un recours
- Le refus d’enregistrer une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile
- Des privations de liberté au sein d’un dispositif hors de tout cadre légal
- La séparation des familles, notamment lors de l’hospitalisation d’un membre de la famille à Briançon
- La difficulté d’accéder à des soins
Il a été constaté une fois de plus que la logique de contrôle et de refoulement prime sur le respect des droits des personnes.
Une seconde saisine, dénonçant les entraves aux activités de mise à l’abri des personnes exilées à la frontière franco-italienne dans les Hautes-Alpes, a également été adressée la Défenseure des Droits, pôle déontologie, ainsi qu’à la CNCDH et au CGLPL.
Des témoignages de soignant.es bénévoles de Médecins du Monde et de maraudeur.euses documentent les entraves à l’exercice des maraudes visant le secours des personnes exilées en montagne :
- Pratiques de harcèlement afin d’empêcher les activités du collectif Maraudes
- Remise en cause de l’autorité médicale
- Interpellations faisant obstacle à l’accès aux soins
Ainsi, au-delà des constats de violations des droits des personnes en migration à la frontière franco-italienne haute (objet de la première saisine), nos associations ont constaté que les personnes qui se mobilisent pour permettre l’accès aux droits et notamment l’accès aux soins de ces personnes en migration se trouvent contrôlées et harcelées.
Les constations issues de la documentation des pratiques policières durant l’hiver 2022 confirment que ces pratiques de refoulements sont encore systématiques, tout comme le non-respect des droits des personnes, notamment l’impossibilité totale de faire valoir son droit à déposer une demande d’asile à la frontière.
Par ailleurs, de multiples refoulements de familles sont toujours observées, y compris lorsque des personnes présentent des problèmes de santé et cela sans que les forces de l’ordre leur permettent de voir un médecin. Ces multiples refoulements accroissent la vulnérabilité de ces personnes qui tentent d’emprunter des sentiers détournés, malgré la présence de très jeunes enfants.
A partir de la mi-mars, la présence d’un escadron de gendarmes mobiles particulièrement zélés, habitués du terrain calaisien, accroît la pression sur les maraudeurs et maraudeuses avec de nombreux contrôles d’identité répétés et interpellations de personnes exilées en présence des membres du collectif maraudes. Par ailleurs, début avril, les enfermements durant toute la nuit dans l’algéco, situé à l’arrière du poste de police, se multiplient, notamment de familles avec de jeunes enfants.
Nous continuerons à documenter ces pratiques et à saisir les différentes instances, en espérant que le récent arrêt de la CJUE pousse les autorités françaises à mettre un terme à la prolongation des contrôles aux frontières intérieures et à cesser ainsi les atteintes systématiques aux droits des personnes exilées qui s’y présentent.